La bibliothèque des livres brûlés
EAN : 9791033914198
336 pages
HARPER COLLINS (03/05/2023)
Traductrice : Carole Delporte
4ème de couverture :
Berlin, 1933. L’écrivaine Althéa James reçoit une invitation pour participer à un programme d'échange culturel en Allemagne. Pour une fille d’une petite ville du Maine, Berlin paraît follement attrayante, avec un charismatique nouveau chancelier à la barre. Jusqu’à sa rencontre avec une femme à la beauté obsédante, qui lui fera remettre en question tout ce qu’elle croyait savoir sur ses hôtes, et elle même.
Paris, 1936. Elle a peut être fui Berlin pour Paris, mais Hannah Brecht découvre que la ville lumière n’est pas le refuge contre l’antisémitisme espéré. Tourmentée par le rôle qu’elle a joué dans la trahison qui a détruit sa famille, Hannah se consacre à son travail à la bibliothèque allemande des livres brûlés.
New York, 1944. Depuis que son mari a été tué en combattant les nazis, Vivian Childs mène sa propre guerre : empêcher les tentatives d’un puissant sénateur de censurer ses Éditions pour l’armée, des livres expédiés par millions aux soldats à l’étranger.
Extraits :
“ Bah, la culpabilité vous empêche de dormir, n'est-ce pas ? La guerre est douée pour vous rappeler ce que vous auriez voulu faire différemment. “
“ On n'imagine pas combien la guerre est ennuyeuse, pourtant elle n'est rien d'autre que monotonie, ponctuée de moments de pure terreur, qui t'ébranlent pendant des heures, jusqu'à ce que la sensation s'estompe, pour laisser place à nouveau à l'ennui. “
“ Il y avait des espoirs fous mais pas impossibles, et puis il y avait des quêtes désespérées, et à cet instant la frontière entre les deux lui semblait bien mince. “
“ Les hommes qui recherchaient la violence ne comprenaient pas que si des armes pouvaient détruire des corps, un stylo était capable de renverser une nation. “
“ Pour juger une personne, il faut regarder son attitude non pas avec ceux qu'elle veut impressionner, mais avec ceux qui ne peuvent rien lui apporter. “
“ Les causes justes ne sont pas toujours à propos de victoire. Parfois, il s'agit simplement de rappeler au monde que des gens sont prêts à se battre pour elles. “
“ L'histoire s’écrit dans ces moments apparemment insignifiants. “
Mon avis :
Althéa est une jeune femme timide et solitaire. Son premier roman est édité, connaît un succès mondial et elle en est la première surprise. Elle vit simplement dans son village du Maine qu’elle n’a quitté qu’une seule fois, pour rencontrer son éditeur. Quand elle est invitée pour un séjour culturel en allemagne, par le nouveau pouvoir en place, elle part, heureuse, pour Berlin. Nous sommes en 1933. Elle va soutenir le parti en place jusqu’à une rencontre qui va ébranler ses certitudes, et surtout elle va assister au terrible spectacle de la nuit des autodafés.
Hannah est belle, brillante, cultivée. Elle vit à Berlin à la même époque, fréquente les cabarets et les lieux culturels, surtout la nuit. Elle voit bien le danger du nouveau pouvoir en place, l’insécurité dans les rues, cette ambiance de malaise et de danger imminent. Ses parents ont préféré fuir. Son frère va être interné dans un camp, sur dénonciation, et elle partira avec son meilleur ami à Paris dans un premier temps et plus tard à New York. Elle a retrouvé dans ces deux pays, les mêmes conditions de vie qu’en allemagne, l’antisémitisme, le racisme et elle va devoir se reconstruire malgré ces conditions. Hannah va travailler à la bibliothèque allemande des livres brûlés.
En 1944, Vivian interpelle un sénateur qui a décidé de censurer certains livres envoyés aux soldats à l’étranger. Son mari est mort au combat et elle sait combien les livres envoyés aux militaires sont importants. Elle se fait rembarrer et va devoir trouver une solution pour empêcher cette censure.
Le destin de ces trois femmes se heurte à la Seconde Guerre mondiale. Elles sont différentes et pourtant complémentaires. La montée de la violence, l’homme providentiel qui se veut être le sauveur de son pays et le réformer, la guerre, les trahisons, l’histoire ne nous sert pas d’exemple, c’est le moins que l’on puisse dire.
C’est une histoire passionnante mais difficile à lire. Il faut prendre son temps pour changer de pays et d’année et suivre la vie de ces trois jeunes femmes en période de guerre.
Un grand merci à Masse critique privilégiée de Babelio et aux Éditions Harper Collins pour cette découverte.
La nuit introuvable
EAN : 9782253242161
144 pages
Éditions Philippe Rey (14/09/2022)
4ème de couverture :
Nathan Weiss vient d’avoir quarante ans lorsqu’il reçoit un appel d’une inconnue : sa mère Marthe souhaite le revoir en urgence. Cette mère, voilà quatre ans, depuis le décès de son père, qu’il s’efforce de l’oublier. Ce n’est pas un hasard s’il s’est expatrié jusqu’en Slovénie.
Il va pourtant obéir et revenir à Paris. Sa mère a changé : elle est atteinte d’Alzheimer et ne le reconnaît presque plus. Nathan apprend alors que Marthe a confié huit lettres à sa voisine, avec pour instruction de les lui remettre selon un calendrier précis. Il se sent manipulé par ce jeu qui va toutefois l’intriguer dès l’ouverture de la première enveloppe.
Ces textes d’une mère à son fils, d’une poignante sincérité, vont éclairer Nathan sur la jeunesse de Marthe, sur le couple qu’elle formait avec son mari Jacques, la difficulté qu’elle avait à aimer ce fils envers qui elle était si froide. Tandis qu’il découvre ce testament familial, Nathan se débat avec ses amours impossibles, sa solitude, ses fuites. Et si la résolution de ses propres empêchements de vivre se trouvait dans les lettres que Marthe a semées pour tenter de réparer le passé ?
Extraits :
“ Elle aurait aussi bien pu être morte. Ça n'aurait pas changé grand chose, au fond. Il aurait fallu s'organiser, voilà tout. Les pompes funèbres, les faire-part de décès, quelques poignées de mains contrites, j'aurais fait bonne figure et puis on aurait été quittes. Ça n'aurait pas été un drame. “ (Incipit)
“ La frontière entre humour et provocation est parfois aussi difficile à établir que celle entre colère et chagrin. “
“ Maintenant encore, je cherche le point de fuite. “
“ On peut toujours réussir - pour un temps, du moins - à garder haute cette tête qu’on finira par perdre tout à fait. “
“ On est des gardiens des lieux et d’une certaine manière des temps. “
“ Plus on vieillit, plus vite on sait quand on se trompe. Et parce qu'on vieillit, on s’entête. “
“ Il y a des espaces de sa vie que l’on n’habite pas. “
“ On a tous une longueur de retard sur nos parents. Je voulais croire à un passage de relais, à la rencontre au bon moment. “
Mon avis :
La sublime et touchante histoire d’une rencontre entre un fils de quarante ans et sa mère dont la maladie d'alzheimer prend le dessus.
Nathan vit en Slovénie depuis la mort de son père, il y a quatre ans. Il n’avait plus d’attache à Paris, divorcé et a souffert du comportement de sa mère envers lui. On peut même dire que leur relation depuis la naissance de Nathan s'apparente à de l’indifférence voire de la froideur..
Quand Jeanne, une amie et voisine l’appelle pour lui annoncer la maladie de Marthe, il est déjà presque trop tard, il aurait préféré l’annonce de sa mort. Mais Marthe a tout prévu, elle raconte l’histoire de sa vie, son terrible secret, dans huit lettres que Jeanne lui remettra, une par une, à chacune de ses visites.
D’abord très énervé et n’ayant aucune envie de rendre visite à sa mère, il pense que le déni et la fuite ont des limites et qu’il est temps d’affronter son passé, sa vie, sa mère.
Nathan a attendu, toute sa vie, un geste de tendresse de sa mère. Marthe, déjà ailleurs, le prend pour son père et l’accueille avec deux mots tendres, puis repart dans un monde différent du sien, les yeux dans le vague. Il rentre en Slovénie avec la première lettre.
Il va comprendre au fil de ses visites, la distance de sa mère, le drame vécu bien avant sa naissance, sa propre incapacité à vivre pleinement sa vie. Marthe ne lutte pas contre sa maladie car l’oubli est peut être la plus belle chose qui puisse lui arriver en cette fin de vie. Pourtant, Nathan va enfin faire connaissance avec sa mère.
C’est une histoire bouleversante avec une écriture délicate et addictive. Je n’aurais jamais pensé lire avec une telle avidité un livre sur la maladie d'alzheimer.
Comment font les gens ?
EAN : 9782234088351
280 pages
STOCK (17/08/2022)
4ème de couverture :
Anna, la narratrice de ce roman à la mélancolie aigre-douce façon Sagan, se débrouille comme elle peut avec la vie. Plutôt mal. Elle encaisse. Elle en rit même. Elle se souvient, aussi. Coincée entre une mère féministee atteinte d’une joyeuse démence, trois filles à l’adolescence woke et un mari au sourire fuyant, entourée d’un cordon sanitaires d’amies, Anna pourrait crier, comme on joue, comme on pleure, arrêtez tout ! , mais ça ne marche qu’au cinéma.
Comment font les gens ? Pour tout faire ? Pour ne pas être entamés par le malheur ambiant ? Pour mener leur vie avec tant de certitudes ? Chacun se retrouvera dans ce roman universel, où se confondent chagrins et sourires.
Extraits :
“ La vie n'est qu'un jeu de regards, épier, scruter, admirer, se détourner ou fixer, assassiner ou caresser des yeux, et peut-être qu'écrire ou lire n'est rien d'autre que regarder ce que les autres ne veulent pas voir. “
“ Courir, c'est la profession des femmes quelque soit leur métier. Mais elles sont trop exténuées pour se rebeller contre l'ordinaire de leur existence. “
“ La prétendue bienveillance a remplacé la politesse dans les relations humaines, l'obligation de parler à la collègue perfide comme si elle était de sa famille alors que la politesse permettrait de traiter avec respect ceux qu'on déteste. “
“ Il faut beaucoup aimer sa mère pour accepter de se réveiller avec sa tête. “
“ Elle s'est assise dans un coin, trop près de la porte et des courants d'air. Elle ne sait jamais trouver la bonne place. Où est sa place ? “
“ Regarder son prochain comme soi-même, ce n'est pas si bête comme conseil, les gens ont de la merde dans les yeux, cultiver le goût des autres, qui ne vous ressemblent pas, d'un avis, d'un milieu, d'une génération différente. L'entre-soi dessèche. “
“ Son cerveau n’est jamais réglé sur la bonne angoisse. “
“ Jeune, l’anxiété lui faisait redouter l’avenir, aujourd’hui, le passé lui semble un ennemi bien plus périlleux à combattre. “
“ Combien de temps une société met-elle pour accepter de regarder l’atrocité en face ? “
“ À force de les minimiser, ses douleurs se sont fossilisées en une colère compacte qui, si elle se libérait, se transformerait en un hurlement, mais qu’elle retient de toutes ses forces de fille élevée à faire bonne figure. “
Mon avis :
Anna nous emmène dans sa folle journée. Sa fille aînée s’est invitée pour lui faire une annonce ce soir et elle doit trouver de quoi faire un repas correct. Mais il y a sa journée d’éditrice sous les ordres d’une nouvelle directrice à la mode des statistiques (on oublie la qualité pour publier des youtubeuses), les appels de la maison de retraite où réside sa mère Nine, qui perd la tête avec panache et entêtement, les appels des établissements scolaires de ses deux dernières filles, adolescentes qu’elle ne comprend pas toujours.
Anna court, court toute la journée, avec des pensées intrusives sur son enfance, la naissance d’Allegra son ainée, sa mère Nine, la société qui va mal, son féminisme inerte, différent de celui de sa mère, historique, et de ses filles, plus radical, l’agressivité des gens, la politique et ses représentants, les médias, la vie, l’amour, d’ailleurs ce dernier va mal puisqu’elle a retrouvé des sous-vêtements féminins dans le lit conjugal.
Anna a la mélancolie qui lui colle à la peau, surtout depuis le décès de son meilleur ami, une charge mentale dingue malgré une vie parisienne confortable, beaucoup de dérision et d’humour et surtout elle encaisse et persévère, une qualité de cette génération de femmes sandwichs coincée entre leurs parents vieillissants et leurs enfants. Peter, son mari est son pilier, son élément stable dans sa vie, la trahison fait d’autant plus souffrir. Heureusement Anna peut compter sur ses amies, toujours présentes pour rassurer par un texto, en attendant la réunion de crise du soir autour d’un apéro dans une brasserie parisienne. La cinquantaine brillante mais douloureuse où les souvenirs reviennent en vagues furieuses face à ce sentiment d’étrangeté envers l’usage de ce monde moderne.
J’ai adoré ce roman sur la condition féminine de ma génération, l’entre-deux du féminisme, la résistance passive, polie, mais tenace d’Anna. Des références littéraires, une traversée de Paris agréable, une plume enlevée, quelques termes désuets mais combien rassurants, des ressentis sur la réalité de ce monde absurde, et cet humour qui ferait supporter n’importe quelle folle journée ! Un roman savoureux.
Les sources
EAN : 9782283036600
128 pages
BUCHET-CHASTEL (05/01/2023)
4ème de couverture :
La cour est vide. La maison est fermée. Claire sait où est la clef, sous une ardoise, derrière l'érable, mais elle n'entre pas dans la maison. Elle n'y entrera plus. Elle serait venue même sous la pluie, même si l'après-midi avait été battue de vent froid et mouillé comme c'est parfois le cas aux approches de la Toussaint, mais elle a de la chance ; elle pense exactement ça, qu'elle a de la chance avec la lumière d'octobre, la cour de la maison, l'érable, la balançoire, et le feulement de la Santoire qui monte jusqu'à elle dans l'air chaud et bleu.
Années 1960. Isabelle, Claire et Gilles vivent dans la vallée de la Santoire, avec la mère et le père. La ferme est isolée de tous.
Extraits :
“ D'un autre côté, elle préfère vivre seule dans son trou. C'est difficile de toujours faire semblant. “
“ Les mots ne lui viennent pas, l'orgueil les bloque. “
“ Jamais elle n’est tout à fait tranquille.”
“Ils pourraient avoir une bonne vie dans cette ferme, si les choses n’étaient pas comme elles sont, les choses que les gens ne savent pas et ne doivent pas savoir. “
“ C’est un dimanche ordinaire dans la vie ordinaire et pas foutue des gens normaux qui n’ont pas peur tout le temps. “
Mon avis :
Année 1960. Ils avaient tout pour être heureux. Mariés depuis sept ans environ, ils ont acheté une ferme prospère, dans le cantal à une centaine de kilomètres de leurs familles. Des employés, trois enfants nés par césarienne, il est important ce détail, deux filles et un garçon qui grandissent heureux, du moins en apparence. Le père a pris en grippe son dernier. Le père est violent avec sa femme, et ce depuis leur mariage.
C’est elle qui nous raconte en premier, la peur au ventre. Il dort sur le banc après le repas et elle n’ose pas bouger par peur de le réveiller. Elle ne fera pas la vaisselle, n’étendra pas le linge. Un rien le rend furieux, les insultes pleuvent, les coups aussi. Elle se sent laide, il lui dit d’ailleurs, regarde ses enfants qui jouent dehors. Vie ordinaire d’une femme battue. Il n’y a que le dimanche que tout va bien puisqu’ils vont dans leurs familles. Là-bas, il n’a pas le dessus, il mange et se tait.
Elle regarde ses enfants et sent qu’elle ne peut rien pour les protéger, c’est ce qui va la faire réagir, un dimanche.
Lui nous raconte quelques années plus tard. Il a réussi à récupérer la totalité de la ferme, reçoit ses enfants pour les vacances scolaires, n’aime toujours pas son fils, admire sa fille aînée. Il aime bien quand les gamines lui savonnent le dos dans le bain.
Il pense de temps en temps à son ex-épouse, se dit qu’elle était fainéante et sale. Elle tardait toujours pour les tâches ménagères ainsi que pour sa toilette. Il pense également à la femme rencontrée pendant son service militaire, alors qu’il était déjà fiancé. C’était une vraie femme, brillante, élégante, un regret. Il est apaisé maintenant.
Pour finir, sa deuxième fille revient aux sources, sur les lieux de son enfance, les lieux du calvaire, à la suite de la mort de son père. Elle ferme définitivement la maison.
J’ai lu ce roman il y a quelques temps et depuis j’étais incapable de donner mon avis. J’aime le style de l’auteure, les mots sont sobres, percutent, efficaces. C’est le sujet qui m’embarrassait. Les violences conjugales, dans les années 60, étaient, comment dire, habituelles et le monde n’en parlait pas, les médias non plus ou juste pour rire, interviewant les hommes qui expliquaient au micro des journalistes qu’une petite claque de temps en temps ne faisait pas de mal aux femmes. Maintenant les femmes violentées sont tuées si elles osent se rebeller. Était-ce pareil dans les années 60 ?
Roman pour dénoncer la situation actuelle, roman-témoignage ? Je ne sais pas mais j’ai, malgré cette écriture sublime, un sentiment de malaise, peut-être voulu par l’auteure.
Dans le jardin d'un hôtel
EAN : 9782374910574
QUIDAM (03/03/2017)
4ème de couverture :
Au mitan de sa vie, Ben rapporte à ses amis, Rick et Francesca, sa rencontre fascinante avec Lily au cours d’un séjour dans les Dolomites. Cette jeune femme juive est venue en Italie avant tout pour voir le jardin intérieur d’un hôtel à Sienne où, par le passé, sa grand-mère est tombée amoureuse d’un jeune violoniste, qui sera bientôt victime de l’Holocauste.
Extraits :
“ Comme un rêve particulièrement frappant qui laisse une forte impression après-coup mais il semble impossible de la mettre en mots pour la comprendre. Et alors bien sûr, peu à peu, l'impression se dissipe. Parce qu'elle n'a rien à quoi se raccrocher. “
“ L'appartement était calme. Tu vois un peu le genre de silence quand un endroit est vide ? Je ne pouvais y croire. Vraiment pas. C'était comme si on avait ouvert un robinet quelque part et je débordais de soulagement. Pas de bonheur. De soulagement. “
“ Il y a des moments, dit-elle, où on a l'impression qu'on va exploser si on ne fait pas quelque chose. C'est comme si on était au carrefour de tant de pressions contradictoires que ça en devient insupportable. “
“ La crise surgit, dit-elle, et puis elle passe. Et on continue, tout simplement. Rien ne s'éclaircit jamais totalement même si on croit que ce sera le cas. Et puis le sentiment de crise s'estompe. Pendant un petit moment du moins. “
“ Personne ne prévoit l’avenir comme ça, dit-elle. Les gens font ce qu’ils font seulement parce que ça leur semble juste au moment où ils le font. Parfois ça l’est et parfois ça ne l’est pas. On ne se rend compte de ça que plus tard. “
Mon avis :
L’histoire d’une rencontre entre un homme romantique et une femme entourée de mystère.
Ben est en vacances avec sa compagne Sandra, dans un hôtel des Dolomites, quand il remarque Lily. Elle est seule, belle et attirante. Sandra, sa compagne, ne voulait pas vraiment de ses vacances, elle subit et Ben supporte sa mauvaise humeur.
Lily est en pèlerinage suite aux confidences de sa grand-mère qui a vécu une rencontre platonique mais intense dans les jardins d’un hôtel. Elle a une vie compliquée, son couple est en crise mais celui qui lui manque est le chien de son compagnon. Grande randonneuse, elle entraîne et épuise Ben qui s’accroche et force les confidences de la jeune femme. Je le sais car j’ai écouté les conversations de Ben et Lily et celles de Ben et ses amis Rick et Francesca.
Ce roman est écrit en dialogues, un peu comme un scénario de film. C’est différent de mes lectures habituelles, surprenant, comme si j’avais écouté des conversations qui ne m’étaient pas destinées.
D’ailleurs, j’ai appris par Francesca que Ben est incapable d’avoir une relation simple, il tombe toujours sur des femmes bizarres que personne ne comprend et dont il se lasse au bout de quelques mois. Et Sandra me demanderez-vous ? Vous avez la réponse dans une citation !
Un peu déroutée par le style, des répétitions dans les dialogues, les personnages s’écoutent-ils réellement ? Des thèmes importants comme la guerre, la transmission générationnelle, les choix de vie, l’amitié et d’autres plus légers comme la séduction et l’attirance. Il y a de l’humour également.
À dire vrai, je ne sais quoi penser de cette lecture déconcertante.
La saga des Cazalet, tome 1 : Étés anglais
La saga des Cazalet tome 1 sur 5
EAN : 9782710388586
576 pages
LA TABLE RONDE (12/03/2020)
Mon avis :
La maison familiale est en pleine effervescence. La Duche, maîtresse de maison, organise l’arrivée de ses fils, brus et petits enfants, avec l’aide de Rachel, sa fille aînée, et des domestiques. Chambres, linge de maison, repas, tout doit être prêt. De leur côté, les trois couples sont sur le départ, en pleine organisation également.
Juillet 1937. Si les vacances et loisirs sont au programme pour les adultes comme pour les enfants, les pensées vont vers la guerre menaçante et les traumatismes et blessures de celle passée.
Nous faisons connaissance avec tous les membres de cette sympathique famille. Ils sont nombreux et j’ai souvent consulté l’arbre généalogique des premières pages. L’éditeur a bien pensé à imprimer cet arbre généalogique sur un marque page mais je ne l’avais pas.
J’ai aimé les portraits des femmes de cette famille. Si elles peuvent boire de l’alcool, fumer, se commander des tenues de créateurs, la situation et place féminine reste conditionnée par le patriarcat, ce qui ne les empêche pas non plus d’avoir des relations adultérines. C’est une époque où une femme enceinte ne connaît pas l’issue de sa grossesse, souvent non programmée, non désirée même si c’est culpabilisant. Une femme doit souvent renoncer à son métier ou ses passions quand elle se marie. Bon, dans cette famille il y a nounous et domestiques ce qui allège la charge mentale de ces dames mais ce n’est pas pour autant qu’elles ont une belle vie.
Les hommes de cette famille paraissent courtois, du moins en surface pour certains.
J’ai moins aimé les longues, trop longues, descriptions des personnalités et occupations des enfants.
Tous les personnages ont des inquiétudes, regrets, remords, secrets et failles même s’ils font bonne figure en famille, c'est, de mon point de vue, l'attrait de cette saga.
J’ai fait un retour dans le passé, agréable, l’auteur à une écriture légère et limpide.
Extraits :
“ Ne pas avoir le choix - du moins ne plus avoir le choix - ajoutait la dimension séduisante du devoir : elle était une personne sérieuse condamnée à une existence plus superficielle que ne l'y aurait portée son tempérament (si la situation avait été différente). Elle n'était pas malheureuse ; c'était simplement qu'elle aurait pu connaître une vie bien plus intense. “
“ Dans la vie, ce qu'on gagnait d'un côté, on le perdait de l'autre. “
“ Elle ne devait jamais savoir de quelle cruauté les gens étaient capables. “
“ Seigneur ! Il était content de ne pas être une femme. Devoir porter des jupes et être bien plus faible… “
“ En fait, à la manière de ces buveurs qui refusent catégoriquement un verre lorsqu'il leur est offert, elle balayait d'un geste la sollicitude que son comportement suscitait parfois chez les autres. Elle ne voulait pas que ses chagrins soient réduits à de simples frustrations, son sens du tragique assimilé à du malheur ou, pire, à de la malchance ou à une erreur stratégique. “
“ Il était de ces êtres chanceux qui se plaisaient véritablement à bien se conduire. “
“ Mais au fil des années, des années de douleur et de dégoût pour ce que sa mère avait appelé “ le côté horrible de la vie conjugale “, des années de solitude remplies d’occupations futiles ou d’ennui absolu, de grossesses, de nounous, de domestiques et d’élaboration d'innombrables menus, elle avait fini par considérer qu’elle avait renoncé à tout pour pas grand-chose. “
Des vies à découvert
EAN : 9782743651077
570 pages
PAYOT ET RIVAGES (19/08/2020)
4ème de couverture :
2016, Willa Knox et sa famille subissent les revers de la crise tandis que Trump grimpe dans les sondages.
1871, Thatcher Greenwood, professeur de sciences et farouche défenseur des théories de Darwin, se heurte à une société résolument conservatrice. Reliant ces personnages, une maison à Vineland (New Jersey) qui menace de s’effondrer. Avec un sens magistral du romanesque, Des vies à découvert met habilement deux femmes puissantes et deux époques de profonds bouleversements, et pose cette question à la fois intime et politique : comment peut-on se réinventer quand les vieilles certitudes n’ont plus cours ?
Extraits :
“ Comment deux personnes travailleuses pouvaient-elles se retrouver dans le dénuement à cinquante ans passés, après avoir tout fait dans les règles ? “
“ Ils constituaient une classe nouvelle de nomades cultivés, qui élevaient des enfants sans vraiment pouvoir répondre à la question de savoir où ils avaient grandi. “
“ Je dis que cette maison est notre seule certitude. Même si certaines parties s'écroulent. S'il le fut, nous mettrons des bandes jaunes de protection et nous éviterons les zones effondrées. Nous nous ferons tout petits dans l'espace restant. Désolée si je te semble folle. Mais nous n'avons pas d'autre endroit où aller. “
“ J'aurais aimé avoir une vie où on ne laisse pas derrière soi une traînée de morceaux cassés. “
“ Mettre un nom sur cette asphyxie prolongée qui la transformait en morte-vivante : la pauvreté. “
“ Une planète à bout de ressources, ça leur fout les jetons, quand ils ont passé leur vie à penser que le placard ne serait jamais vide. “
“ Quand une maison ne constituait plus un abri, elle valait en fin de compte exactement la somme de ses parties. “
Mon avis :
Quand Willa emménage à Vineland en 2016, dans la maison héritée de sa tante, elle est légèrement déprimée, avalant des anxiolitiques périmés pour tenir le coup. Son mari Iano a perdu son emploi, ratant encore une fois, comme depuis des décennies, la titularisation qui aurait assuré à la famille la sécurité de l’emploi, l’habitation et des revenus réguliers. Ils ont tous deux la cinquantaine et espéraient pouvoir se fixer dans une région, dans une maison confortable. La mère de Willa est morte quelques semaines auparavant.
Leur chance est le nouvel emploi de Iano, dans une université, proche de cette maison. Avec eux, Tig, leur fille qui n’a ni emploi, ni les moyens de se loger et Nick le père de Iano, diabétique, en insuffisance respiratoire, bref, en fin de vie et leur vieux chien Dixie.
Zeke, leur fils, les appelle de Boston pour les prévenir que sa compagne s’est suicidée, le laissant avec leur bébé de quelques mois. Zeke et le bébé viennent vivre à Vineland.
2016, l’année où Trump séduit une partie de la population américaine. Obama est toujours Président et a mis en place l’obamacare, qui sera bien utile à Nick.
Nick, grec venu aux Etats-Unis pour travailler, ne supporte pas l’idée, maintenant qu’il est âgé et malade, de dépendre des aides sociales. Il insulte à tout va, se mettant souvent en difficultés et Willa en fait les frais puisqu’elle s’occupe de lui.
Diamétralement opposés, Zeke et Tig ne s’entendent pas et ce depuis toujours. Zeke travaille dans l’investissement, il repart à Boston sans son bébé, Tig a vécu quelques années à Cuba. C’est grâce à elle que la famille va survivre en attendant des jours meilleurs. Elle vend, troque, échange, installe un potager, apprend à sa mère à se débrouiller avec pas grand chose. Elle trouve un poste de serveuse et se fait des amis rapidement.
Willa a bien du mal à renier ses rêves, son destin, et elle va devoir se remettre en question, vivre autrement, s’adapter aux difficultés actuelles de la société et de sa famille.
L’hiver s’installe dans cette région que Willa n’apprécie pas, il pleut et neige dans la maison et la famille doit vivre et dormir dans une seule pièce.
Willa va enquêter, à la recherche d’une preuve qu’une biologiste célèbre aurait habité dans cette maison ce qui pourrait débloquer une subvention pour la rénovation. Cette maison est tout ce qu’ils ont.
Dans une autre époque, en 1871, Thatcher emménage dans la maison de Vineland, avec son épouse, sa belle-mère et sa belle-sœur. Si la propriété appartient à la famille de son épouse, son salaire de professeur de sciences assure le confort et le train de vie de ces dames. La maison est dans un état de délabrement avancé. Pour échapper à cette ambiance pesante, que ce soit chez lui ou au travail avec son supérieur, il passe tout son temps libre avec sa voisine, Mary, biologiste, scientifique encore méconnue qui entretient une correspondance avec Darwin. La situation de Thatcher va se dégrader, ne répondant pas à la servilité attendue dans son travail, à la richesse dans son foyer. Le meurtre de son ami journaliste va précipiter les choses.
Le personnage central de cette histoire est la maison. Insalubre, délabrée, vouée à la démolition, elle rend la vie de ses habitants compliquée. Elle a la particularité, depuis toujours, de voir ses plafonds s’effondrer, d’élargir ses fissures. Tout est de travers, les murs, les cheminées.
Il y a autre chose qui relie les deux histoires : les derniers mots d’un chapitre sont le titre du chapitre suivant.
Lire les romans de cette auteure me donne toujours un sentiment de bien être.
Pour retarder la fin, j'ai relu des passages, surtout les échanges entre Willa et sa fille Tig. Devoir transformer un destin qu’on croyait tracé, s’adapter encore et toujours et lâcher prise pour espérer vivre mieux. De sublimes portraits de femmes, une écriture incisive, drôle, sensible, ironique, j'ai adoré cette lecture.
Tout le bonheur du monde
EAN : 9782264077226
716 pages
10-18 (05/05/2022)
4ème de couverture :
Wendy, Violet, Liza et Grace : les 4 filles du Dr. Sorenson nous offrent la saga d'une famille américaine qui "se dévore comme une série" (Le Monde).
Il était une fois en Amérique... la famille idéale. Dans leur belle maison de Chicago, David et Marylin s'aiment d'un amour ardent depuis 40 ans. Mais pour leurs quatre filles, Wendy, Violet, Liza et Grace, le modèle est écrasant : comment être à la hauteur quand on a grandi à l'ombre de parents toujours aussi épris l'un de l'autre à soixante ans qu'à vingt ? Chacune surfe sur ce traumatisme inversé à sa manière, entre complicité et vacheries, cachotteries et mensonges, échecs et aspirations. Jusqu'à ce que resurgisse Jonah, quinze ans, le douloureux secret de Violet, authentique avis de tempête sur la météo domestique. Des années 1970 à nos jours, des joies et blessures de l'enfance aux enjeux décisifs de l'âge adulte, Tout le bonheur du monde nous offre une place privilégiée dans ce grand-huit familial endiablé.
Extraits :
“ Elle se rappelait soudain que la famille peut parfois vous faire oublier votre vie minable. “
“ Ce n'était pas la léthargie de la dépression qu'elle ne comprenait pas. Ce qu'elle ne supportait pas, c'était qu'elle aussi, la plupart du temps, rêvait de se rendormir après la sonnerie du réveil. Elle aimait leur lit plus que tout au monde. Si elle s'était écoutée, sans la pression d'un prêt immobilier et d'une salle de cours remplie d'étudiants, elle serait restée au lit, cédant sans regret aux sirènes de Netflix et des barres chocolatées, ainsi qu'à la douce satisfaction d'ignorer son téléphone chaque fois qu'il sonnait. Elle le connaissait ce sentiment de lassitude. “
“ On ne s'inquiète pas pour les gens qui ont l'air de maîtriser leur destinée parce qu'on pense qu'ils n'ont besoin de rien. Alors que tout le monde a besoin de quelque chose. “
“ C'était sans aucun doute l'une des choses qui sauvaient un mariage : l'un pouvait être dévoré par l'angoisse tandis que l'autre passait une bonne nuit. “
“ C'était étrange, voire triste, de se rendre compte que sa vie sociale ne lui manquait même pas. “
“ C'était évident pourtant : les autres ne vous percevaient jamais comme vous en auriez envie. “
“ Liza se demandait quelle quantité d'une vie d'adulte normale relevait de l'approximation, de l'effort, du jeu d'acteur. “
“ Personne n'est préparé à s'occuper d'un enfant à plein temps, voilà ce que je voulais dire. Personne ne comprend ce que ça signifie avant d'y être confronté. Et là, on se contente de retenir son souffle en priant pour qu'il n'arrive pas de catastrophe. Et au passage, on encaisse ! C'est une douleur permanente. Une succession de souffrances. “
“ À un certain moment, vos enfants devenaient des personnes, sans drame, plutôt dans une sorte de continuité. “
“ C'était ça, le problème d'être un épilogue. On vous insérait à la fin du livre sans même vous laisser vous l'approprier. “
“ L’un des risques d’avoir une fille qui vous ressemblait, c’était d’ignorer quoi lui dire pour l’apaiser. “
Mon avis :
Je suis rentrée dans la maison familiale par la porte de service. Ce que j’en ai lu ne me plaisait pas forcément puisque au détour d’une porte, d’un couloir ou d’un canapé, les parents passaient leur temps à des ébats sexuels. Il était clair que j’allais abandonner ce livre, je lui laissais juste quelques pages de sursis. Mais dans ces quelques pages, le récit de cette famille a pris de la profondeur, hors sexualité, de l'authenticité et j’ai continué à faire connaissance avec Marylin et David, les parents, et leurs quatre filles, Wendy, Violet, Liza et Grâce. Les quatre filles, adultes, ont des problèmes pour construire et vivre leur vie et accusent leurs parents et leur amour intense et impérissable d’en être la cause.
Marylin et David se sont connus à la fac et leur amour était une évidence. Une enfance un peu bousculée pour les deux qui ne prend pas de place dans leur vie de couple. David est posé, serein, stable, Marylin vit avec ses angoisses, ses failles, ses peurs, sans forcément se confier. Sa première grossesse, une surprise, va la terroriser, les trois suivantes aussi.
Wendy, la rebelle, Violet qui maîtrise tout, Liza, facile et sans problème et Grâce, l’épilogue, vont naître et grandir dans un foyer heureux, malgré l’angoisse tenace et les peurs de Marylin pour ses petites. Quand les filles quittent la maison familiale et leurs parents, les choses se compliquent.
Nous suivons cette famille sur quarante ans et les péripéties sont nombreuses. C’est une histoire addictive, cynique, drôle, émouvante, sur l’acceptation, la bienveillance et la tolérance au sein d’une famille.
J’ai eu un coup de coeur pour Marylin, cette femme et mère qui puise cet amour merveilleux pour ses filles au plus profond de ses peurs.
Attaquer la terre et le soleil
EAN : 9782370553331
LE TRIPODE (01/09/2022)
4ème de couverture :
“ et en moi-même je me disais que la justice était un mot inventé par les riches pour calmer la colère des pauvres, mais que tout bien réfléchi ça n’existait pas la justice, qu’il fallait à apprendre à vivre sans elle et accepter le sort que Dieu réserve à tout être humain qui pose les pieds sur terre “
Attaquer la terre et le soleil narre le destin d'une poignée de colons et de soldats pris dans l'enfer oublié de la colonisation algérienne, au dix-neuvième siècle.
Extraits :
“ je m'efforçais de croire que tout ça n'était qu'un mauvais rêve, et que pour en sortir il me suffisait de rejeter les draps qui me couvraient et le cauchemar prendrait fin, “
“ oui, il fallait que je me reprenne, que je retrouve la volonté de lutter, si ce n'était pas pour moi qu'au moins je lutte pour mes enfants qui ne demandaient qu'à vivre, qu'à passer ce mauvais cap à l'abri de mes bras de mère qui leur étaient tout autant nécessaires que le ventre d'une chienne pour ses trois chiots “
“ et puis, parce que tout doit être oublié ou pardonné dans cette vie, nous avons fini par enfouir bien au fond de nos entrailles nos peines les plus vives, celles qui jamais ne s'éteignent “
“ et ce bonheur qui nous tombait dessus sans crier gare m’a fait peur, d’un coup je me suis sentie frissonner, vaciller, “
“ Comme s’il fallait en passer par là pour sortir de l’enfer “
Mon avis :
Séraphine prend la parole la première pour nous expliquer le départ de la famille pour l’Algérie. Les promesses du gouvernement français pour des terres agricoles, des maisons solides et accueillantes, la richesse. Elle avait émis ses doutes et craintes à son mari mais il ne voulait pas entendre et écouter à ce moment-là. Les voilà partis pour un voyage éprouvant et interminable . Séraphine et son mari Henri, leurs trois enfants, deux garçons et une fille, sa sœur Rosette et son mari Louis.
Ils sont parqués dans des tentes militaires dans un camp encadrés par des soldats français, accueillis par une terre aride et pourtant des trombes d’eau, les maladies, les morts, dont deux des enfants, et les attaques des algériens.
Puis Séraphine laisse la parole à un soldat français désabusé et un brin cynique qui nous raconte les pillages, les viols, les massacres et la débauche.
À tour de rôle, ils nous entraînent dans cette descente en enfer. Le texte n’a qu’un point, le final car dans une agonie il n’y a pas de pause ni d’arrêt. L’écriture est puissante, voire violente pour décrire les débuts de la colonisation algérienne mais avec la sensibilité d'une femme colon qui va chercher au fond de ses entrailles la force de s'en sortir.
Un roman sublime.
Les manquants
EAN : 9782021526769
256 pages
SEUIL (03/03/2023)
4ème de couverture :
Thomas est parti. Ça fait déjà deux ans. On ne sait pas où. On ne sait ni pourquoi, ni avec qui. On ne sait rien. Et de ce rien il faut bien faire quelque chose. Alerter la police ou non. En parler ou se taire. Rendre cette histoire réelle ou pas. Faire avec. Inventer un récit. Convoquer le fantôme. Vivre avec lui. Ou bien le faire sortir par la porte. L’oublier jusqu’à ce qu’il revienne en rêve. Par la fenêtre. Par la forêt. Par ce détail ou cet objet qui rappelle sa mémoire, sans cesse. Et puis un jour, Claire, sa femme, Joan et Hélène, ses amies, sont convoquées au commissariat. C’est qu’il y a quelque chose de louche autour de la disparition de Thomas Cassar. On ne disparaît pas comme ça. Il y a toujours quelque chose. Il y a toujours quelqu’un.
Extraits :
“ Moi aussi, je changerais bien de vie. Il y a toujours cette possibilité, et puis non. On reste. La seule idée de cette liberté nous suffit. “
“ Quand on vous abandonne, il ne vous reste que cela. Ces riens-là. Les dernières images, comme des photographies. Ce sont des instants tellement simples, tellement humiliants de banalité. “
“ Les gens, même quand ils sont archi-malheureux, ça ne leur traverse pas l'esprit une seule seconde que leur mode de vie ne soit pas enviable. “
“ Eux clamaient la liberté, moi je m'en foutais. Eux voulaient le désordre, et tout saccager. Moi, ma vie menaçait à tout instant de verser dans le chaos. “
“ C'était un moment intensément heureux qu'il conférait presque à la douleur ; il m'en fallait peu pour me réjouir d'être en vie, une année de plus. “
“ Il n'avait jamais connu, comme la plupart des êtres, l'humiliation de son visage. Cette blessure de se réveiller tous les matins avec la même tête, le même corps, dans lequel on est enclos, avec lequel il faut faire face au monde. “
“ Les gens sont rarement seuls. Il y a toujours quelqu’un qui vous suit ou vous précède, sans le secret des souvenirs.”
Mon avis :
Deux ans après la disparition, non signalée, de Thomas, Claire son épouse, Joan et Hélène les amies du couple sont convoquées au commissariat.
Ces trois femmes vont témoigner, raconter leur histoire. Elles se sont rencontrées à la fac. Claire était déjà en couple avec Thomas. Hélène n’a jamais compris pourquoi Claire avait choisi Thomas, dont le caractère ne correspondait pas à celui de son amie. Après la fac et leur action militante, le couple est parti vivre dans le Nord, Claire pour enseigner, Thomas pour des boulots peu épanouissants. Ils ont tenu des années comme ça, deux enfants sont nés. Puis Claire a voulu tout plaquer et repartir dans son village natal, reprendre les vignes de ses parents. L’intégration ne s’est pas faite mais Claire s’épanouissait et semblait heureuse dans ce contact à la nature. Thomas, solitaire, n'a jamais voulu se faire des amis dans le village puis il a perdu son travail, a perdu pied et a disparu. Vingt ans d’une vie balayée par un au revoir. Claire avait perdu contact peu à peu avec ses amies Joan et surtout Hélène.
Hélène restée célibataire et libre selon elle, vit dans son petit studio, mais se prostitue pour survivre. Si elle a perdu contact avec Claire, elle a vu Thomas régulièrement pendant toutes ces années.
Joan a quitté l’Amérique, son pays natal, pour la liberté également et aussi pour devenir une autre en France. L’exilée illégale qui a toujours peur d’être renvoyée chez elle, qui ne trouve pas sa place. Thomas l’aide mais peut se révéler méchant et moqueur.
Ces trois femmes retracent leur vie et vont perdre leurs certitudes pendant leurs témoignages. Le changement climatique a fait des ravages sur la nature, les crises sociales et politiques se succèdent et suite à la disparition de Thomas, elles se sont réfugiées ensemble dans une communauté. Le destin de ces trois femmes va radicalement changer.
J’ai aimé la personnalité de ces trois amies, qui vivent comme elles peuvent avec leurs failles, leurs émotions, leurs peurs.
Connaît-on vraiment ses proches ? Les femmes peuvent-elles se reconstruire sans présence (domination) masculine ?
Merci à Babelio Masse Critique privilégiée et aux Éditions du seuil.