Solitudes
Anne Bragance
ISBN : 2258094321
Éditeur : Les Presses De La Cite (2012)
4ème de couverture :
Une femme regarde un homme qui regarde la télévision. Il s'appelle Grégoire et passe ses journées, de l'autre côté de la rue, à s'empiffrer, assis dans un fauteuil face à ses écrans. Elle s'appelle Pénèle et, parce qu'elle est seule, parce qu'elle s'ennuie, elle observe son étrange voisin avec une curiosité qui bientôt devient intérêt obsédant. Dès lors qu'elle fait de Grégoire le centre de sa vie, Pénèle l'espionne du matin au soir et se donne pour mission d'assurer le salut de cet homme prisonnier de sa geôle d'images et enkysté dans ses rituels solitaires. Emportée par sa passion naïve, elle va concevoir un projet merveilleux afin d'atteindre son objectif. Mais chacun sait que le Mal s'amuse parfois à travailler dans le camp du bien.
Extraits :
Ses semblables ne lui inspirent qu'indifférence. Son inaptitude à s'intéresser à autrui, à chercher à le connaître, à le comprendre, est sa caractéristique - sa tare ? - principale, le signe distinctif de sa personnalité.
Elle est là, dans l'ombre, alourdie de toute sa tendresse inutilisée et redoutant qu'elle ne le reste à jamais, vieille femme percluse de solitude et d'impuissance en train d'apprendre que l'intérêt, ou l'amour, que l'on porte à un être ne vous le rend ni plus proche ni plus compréhensible.
La vie tient en réserve des rires, des larmes, et vous décoche de ces surprises !
La canicule d'une saison, une inclination particulière, une préférence ; il suffit d'un rien.
Elle est en train de perdre son temps comme si elle avait du temps de reste.
Mon avis :
L’enfer est pavé de bonnes intentions. Je viens de résumer cette histoire. C’est simple, clair. Mais parce que la vie ne se passe pas simplement et clairement je vais en dire en peu plus.
Pénèle a soixante ans et vient de traverser les trois quarts de son existence en solitaire. Alors oui on pourrait peut être à tort interpréter sa personnalité et dire : c’est une vieille fille acariâtre et flétrie. Si on remonte le cours de son existence, le choc de la mort de ses parents trapézistes quand elle avait six ans est une explication. Dans la vie, on se protège comme on peut. Pénèle, soixante ans arrose ses fleurs sur son balcon d’une ville de province et observe l'emménagement de son nouveau voisin d’en face dans un appartement identique au sien, un appartement créé pour un célibataire. Très peu de meubles, mais cinq téléviseurs et des centaines de dvd, et un jeune homme obèse attire brusquement l’intérêt de Pénèle qui n’aura de cesse de l’observer et l’épier. Un handicapé de la vie, comme elle. Sa protection s’effiloche, se craquelle et l’intérêt devient amour. Quel amour ? Je ne sais pas, la solitude même choisie peut faire des ravages. Pénèle se trouve, s’ouvre aux autres faisant même connaissance avec sa voisine, parlant aux étrangers dans la rue. Elle ressent un certain bien être et elle est reconnaissante envers son voisin d’en face. Alors comme elle l'observe depuis longtemps, elle pense connaître ses goûts et veut lui faire un cadeau pour le remercier. Connaît-on vraiment les gens que l’on côtoie ? L’épilogue est un drame de la solitude. Chaque mot de l’auteure est important. Un style à découvrir.