D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds

Jón Kalman Stefánsson

Traducteur : Eric Boury

ISBN : 2070145956

Éditeur : Gallimard

4ème de couverture :

"Elle est plus belle que tout ce qu’il a pu voir et rêver jusque-là, à cet instant, il ne se souvient de rien qui puisse soutenir la comparaison, sans doute devrait-il couper court à tout ça, faire preuve d’un peu de courage et de virilité, pourtant il ne fait rien, comme s’il se débattait avec un ennemi plus grand que lui, plus fort aussi, c’est insupportable, il serre à nouveau les poings, récitant inconsciemment son poème d’amour. Elle s’en rend compte et lui dit, si je dénoue mes cheveux, alors tu sauras que je suis nue sous ma robe, alors tu sauras que je t'aime."

Ari regarde le diplôme d’honneur décerné à son grand-père, le célèbre capitaine et armateur Oddur, alors que son avion entame sa descente vers l’aéroport de Keflavík. Son père lui a fait parvenir un colis plein de souvenirs qui le poussent à quitter sa maison d'édition danoise pour rentrer en Islande. Mais s’il ne le sait pas encore, c’est vers sa mémoire qu’Ari se dirige, la mémoire de ses grands-parents et de leur vie de pêcheurs du Norðfjörður, de son enfance à Keflavík, dans cette ville «qui n’existe pas», et vers le souvenir de sa mère décédée.

Extraits :

"Mais ainsi va la vie : ce qui a un sens pour l'un n'est que vacarme et gâchis pour d'autres. Il est difficile de trouver un équilibre en ce monde et il semble hélas que nous soyons toujours loin de nous comprendre."

"Quand un objet se brise, nous entendons le fracas et sommes témoins des conséquences, nous constatons que ce qui était entier l'instant d'avant s'est changé en incompréhensible chaos. Rien ne nous effraie plus que le chaos."

"Sans doute ne disons-nous jamais la vérité. Parfois nous mentons entièrement, mais de toute façon nous taisons toujours certaines choses ; pour nous rendre la vie plus supportable et nous préserver du malheur. Mais peut-être plus souvent encore parce que nous vivons dans l'illusion, par volonté de nous embellir, et peut-être plus souvent encore par lâcheté."

"Où le sentiment de culpabilité prend-il sa source ? Ce fardeau que tant de gens traînent derrière eux, cette sensation d'être coupables ou d'avoir trahi d'une manière ou d'une autre notre propre personne, nos proches, le monde, la vie."

"Nous pouvons dire des choses avec une infinie sincérité et malgré tout trahir. L'être humain est faible et les assauts répétés du quotidien ne font que lui ôter encore un peu plus de sa force en le privant de dignité face à l'existence."

"Une plaie qu'on passe sous silence et qu'on ne soigne pas devient avec le temps un mal intime et incurable."

"La vie est incompréhensible et injuste, mais nous la vivons tout de même, incapables de faire autrement, elle est la seule chose que nous ayons avec certitude, à la fois trésor et insignifiance."

Mon avis :

Il faut être concentré pour lire cette histoire. Nous partons pour L’Islande. Une terre sauvage, rude, où tu as plus de chance de mourir de froid que de chaud. Des villages réduits à l’essentiel, la neige, le vent, comme compagnons de vie et la mer. Cette mer qui ne sert à rien puisque que les villageois ont interdiction de pêcher.

Ari a tout quitté, femme, enfants, vie dans son pays natal, sur un coup de tête ou un coup de colère, il y a deux ans. Il a refait sa vie au Danemark et tout va bien pour lui jusqu’au jour où il reçoit un paquet de son père. Les souvenirs refont surface. Il prend la décision de repartir au pays. L’auteur alterne présent et passé dans trois villages. Alors là, lecteur, accroche toi bien. Déjà les noms des personnages ne sont pas évidents. Ensuite tu dois relier les gens de la même famille et chercher où tu en es à chaque changement de scène. Bref tu n’as pas intérêt à t’attarder à l’apéritif si tu veux une chance de tout comprendre. Là ou l’éditeur voit de l’érotisme, j’ai juste lu les premiers émois sexuels de deux adolescents qui s’ennuient comme des rats morts dans leur bled. Seule, la plume de l’auteur me ravit, le genre à tout rendre poétique, même les scènes les plus banales.Il y a quand même une grande souffrance féminime, une tentative de suicide d'une jeune fille, l'alcoolisme d'une mère de famille et la bipolarité d'une autre. 

Comments

[Florence]

Nous avons à peu près le même avis, et moi aussi, j'ai surtout souligné la qualité de l'écriture. Mais cela ne fait pas tout. C'est dommage. J'ai été assez déçue par ce roman, alors que j'avais beaucoup aimé "Entre ciel et terre" du même auteur.

[Eve-Yeshe]

il est dans ma liste mais je crois que je vais attendre un peu...