C'est ainsi que la vie s'est arrêtée
Corinne Wargnier
ISBN : 1095367005
Éditeur : SUR LE FIL (2015)
4ème de couverture :
« Dans un jour ou deux, nous pourrions descendre vers la mer. Je sais qu’elle attend ça, c’est ce que tous les pensionnaires attendent. Ce que j’ai remarqué, c’est que tous ces gens qui passent par chez nous sont différents. Par leur physique, leur caractère, leur personnalité. Mais une fois face à l’océan, ils deviennent tous semblables. Comme si regarder la bande bleue de l’horizon, les vagues qui se brisent sur la plage, et l’éclat de l’écume, mélangeait les visages. Et les gestes. Les voix aussi, qui toutes finissent par dire : « Oh, comme c’est merveilleux ! » Au début, il y a les bras et les jambes qui dessinent des étoiles sur le sable. Puis les corps s’alignent, comme des civières dressées côte à côte. Les yeux sont levés vers le ciel, comme s’ils le voyaient pour la première fois. Puis ils se ferment. Alors ils paraissent tous morts. Mais c’est une impression fausse. Parce que c’est peut-être le moment où ils sont le plus vivants.
Au début, j’étais étonné. Mais maintenant, je suis habitué. Et en réfléchissant bien, je me dis que c’est dans l’ordre des choses. Parce que les gens sont bizarres, et souvent incompréhensibles. »
Extraits :
“Partir c'était essayer de s'étourdir, essayer d'extraire quelque chose d'elle-même, trouver un peu de lumière, un ciel plus serein, enfin être contrainte de penser autrement.”
“Son histoire compliquée. Son histoire de temps qui passe, et qui éloigne de tout. Dire quelque chose. S'opposer à ce qu'il y a de terrifiant quand on vit seul. Quoi que l'on fasse, nous seuls en gardons la trace. Il n'y a que soi face à soi. Que soi face à rien.”
“Se défaire de tout. Très vite. A l'intérieur de la maison comme à l'extérieur. Il était bien trop dangereux de laisser le moindre objet se relier à la pensée.”
“Ça le changeait du monde dans lequel il vivait. Des gens pressés, couché en deux sous les assauts du mauvais temps. L’exubérance des rues, et des passants agglutinés devant des vitrines surchargés de décors tape à l’oeil, s’inventant quantité de choses à faire. Le fracas des transports urbains, et les bardeaux de lumière qui crépitent dans la nuit et ne s’arrêtent jamais. Il le savait, la lumière et la chaleur soudaine apportaient la paix, et dénouaient les noeuds les plus serrés.”
"Et elle aurait voulu le dire. Dire qu'il y avait des moments où elle avait le sentiment de ne plus pouvoir y arriver. Montrer sa faiblesse. Ne plus se comporter comme si tout cela suffisait pour qu'on la crût forte."
Mon avis :
On n’arrive pas par hasard chez Tessa. Elle dirige une pension de famille dans un village paumé qui tient dans une rue principale à une heure environ de la côte et il y fait une chaleur étouffante. On y vient pour arrêter de vivre, une manière de trouver la touche pause, essayer de trouver une sorte d’apaisement. Mais voilà on est rarement seul chez Tessa. Déjà il y a Gad son fils, différent, peut être légèrement autiste, rien n’est dit. Il a un regard particulier sur les autres, une histoire de vision de son cerveau, à droite ou à gauche, selon. Puis il y a les pensionnaires qui sont arrivés avec leurs valises. Tous différents, tous avec leur souffrance. Ils s’observent, apprennent à se connaître. L’histoire et le passé de Tessa, distillé parmi les autres histoires. On sent l’intolérable, on frôle mais on ne saura rien. Elle couve son fils tout en lui donnant des responsabilités. Gad aime l’odeur du cambouis, il répare un minibus, il veut emmener les pensionnaires au bord de la mer pour leur rendre le bonheur et la joie.
C’est le genre d’histoire qu’on commence sans pouvoir s’arrêter, le style de l’auteure nous emporte dans son monde, c’est passionnant, c’est bouleversant.
Merci à Babelio et aux Éditions Sur le Fil pour cette découverte