Mo a dit
ISBN : 1022607057
Éditeur : MÉTAILIÉ (14/09/2017)
Traductrice : Céline Schwaller
4ème de couverture :
Helen travaille de nuit dans un casino comme croupière, et vit dans un minuscule appartement de la banlieue londonienne, avec sa petite fille de six ans et son compagnon, Mo, anglo-pakistanais, qui trouve qu’elle est tordue. Plus que tordue, dit-elle.
Les pensées filent en roue libre – racisme ordinaire, sexisme à la petite semaine, résistance au quotidien –, Helen somnole, se souvient, rêve et s’obsède, comme une Molly Bloom de banlieue, en moins frivole. Vingt-quatre heures dans la vie d’une femme, entre la bouilloire qui fuit et le sommeil qui ne vient pas, l’avalanche des problèmes matériels et une vie exiguë qui paraît sans issue.
Le monologue intérieur d’un personnage à la Ken Loach, dans la langue bouillonnante de James Kelman, toujours au plus près de ce qu’on n’appelle plus la classe ouvrière.
Extraits :
“L'amertume hante les gens.”
“L'époque censée être heureuse, quand la vie était censée être belle.”
“Lumière du matin mais des ombres persistaient. Des ombres de nos vies. Une ombre de notre vie. Ce que sont nos vies. Ces ombres, dans ces ombres.”
“Les gens possédaient des morceaux de vous.”
“Les gens sont pas toujours capables de sourire, c'était usant de devoir se forcer. Les sourires perpétuels. Souris, souris, pourquoi tu souris pas ?”
“Seulement attendre, ça représentait combien de temps de sa vie, attendre, et toujours les autres, c'est leur vie qui compte, la leur et pas la vôtre.”
“Plein de temps mais pas le temps. C’était donc ça la vie ? C’était ça la vie. La sienne en tout cas.”
Mon avis :
Nous entrons directement dans le cerveau d’une jeune femme Helen, perpétuelle angoissée qui ressasse et rumine ses pensées.
Helen, travaillant de nuit, partage un taxi avec quelques collègues et amies pour rentrer. Ce matin là une scène particulièrement violente, du moins pour elle, va déclencher ses mauvaises pensées. A un carrefour assez dangereux, elle voit, deux pauvres bougres, certainement sans domicile, traverser dangereusement devant les voitures. Elle seule remarque la scène, ses collègues papotant. Et c’est toujours comme ça. Elle seule voit ce genre de scène. Et traumatisme supplémentaire, elle pense reconnaître son frère Brian dans l’un des deux hommes.
Arrivée chez elle, sans faire de bruit car sa fille Sophie et son compagnon Mo dorment encore, elle sort de vieilles photos de sa famille pour vérifier. Les vieux souvenirs affluent, pas très agréables.
Attention le départ est imminent pour les pensées et la vie d’Helen : son enfance, la mort de son père, le départ de son frère, l’indifférence de sa mère, le père de sa fille, la personnalité de sa fille, le taudis où ils vivent, son travail de nuit et Mo son compagnon pakistanais, si gentil et si bizarre. Puis la société, l’amitié, le racisme, le quartier, tout y passe pendant 24 heures, sans une pause, sans un ouf, le cerveau d’Helen fume, transpire et ça l’empêche de dormir, même de se reposer.
Deux particularités du style de l’auteur : on parle d’Helen ou d’elle, jamais de phrase à la première personne du singulier et pourtant je lisais et j’étais dans les pensées d’Helen. Et malgré sa vie difficile aux frontières de la précarité, son enfance loin d’être idyllique, il n’y a pas de négation dans ses phrases, comme si sa vie était presque belle, comme si elle essayait d’y croire.
Cette histoire est écrite d’un bloc sans chapitre, juste quelques paragraphes pour sauter d’une pensée à une autre.
Même la photo de la couverture du livre est parfaite : une femme assise, chez elle, avec son manteau encore sur le dos.
Un grand merci à Masse critique de Babelio et aux Éditions Métailié pour cette découverte particulière mais combien agréable !