Encore vivant
ISBN : 281261451X
Éditeur : EDITIONS DU ROUERGUE (16/08/2017)
4ème de couverture :
Il se l'était juré, l'HP, il n'y retournerait jamais. Mais alors qu'il vient de faire un mariage prestigieux et qu'il a trouvé un emploi, Pierre Souchon est délogé d'une statue de Jean Jaurès où il a trouvé refuge et embarqué en hôpital psychiatrique. A vingt ans, pendant ses études, il avait basculé pour la première fois et été reconnu bipolaire. Passant à nouveau la "barrière des fous", il se retrouve parmi eux, les paranos, les schizophrènes, les suicidaires, brisés de la misère dont il nous livre des portraits à la fois drôles et terrifiants. Son père vient souvent le visiter, et ensemble ils s'interrogent sur la terre cévenole d'où ils viennent, les châtaigniers et les sangliers, sur leurs humbles ascendants, paysans pauvres et soldats perdus des guerres du XXe siècle. Dans ce récit plein de rage mais aussi d'humour, l'auteur nous plonge au coeur de l'humanité de chacun, et son regard se porte avec la même acuité sur les internés, ses frères dans l'ordre de la nuit, sur le monde paysan en train de mourir ou la grande bourgeoisie à laquelle il s'est frotté. Il est rare de lire des pages aussi fortes, d'une écriture flamboyante, sur la maladie psychiatrique, vue de l'intérieur de celui qu'elle déchire.
Extraits :
“Je venais d'entrer dans le cortège effrayant des grands dérèglements.”
“Ça commençait tout juste, et ça ne cesserait jamais.”
“Je vous continue.”
“C’est pas grand-chose, un grand médecin, ça n’a l’air de rien, ce sont des questions posées à point, quelques sourires, de la complicité point trop n’en-faut - sur cette autorité d’humanité, alors, on peut toujours s’appuyer.”
“Il y a toujours quoi qu’on en dise, ce respect absurde pour les disparus, ça, ça se pose un peu là, comme connerie, tu vois, cette espèce de crainte des morts qui veut qu’on transforme en saints des pourritures.”
Mon avis :
C’est un récit lucide et violent sur les phases maniaques d’une bipolarité, ou plutôt de Pierre souffrant de bipolarité. La vision de l’auteur nu perché sur la statue de Jean Jaurès ingurgitant des feuilles de buis est une représentation de la vie hors et avec maladie, un superbe cliché de l’homme.
Pierre, nous l’avons tous rencontré un jour ou l’autre, c’est celui qui s’installe avec un groupe de sdf, celui qui prend le train avec des routards pour faire les saisons, la canette de bière et le calumet de la paix au bec, celui qui squatte avec un couple marginal, malheureusement avec enfants, celui qui menace, insulte, et frappe sans qu’on en trouve les raisons. Pierre est malade et les phases maniaques particulièrement aiguës lui valent d’être interné en hôpital psychiatrique.
Pourtant, il est journaliste. Il a réussi sa vie professionnelle et lui, qui dénonce et informe des injustices, trouve le moyen de se marier avec une bourgeoise dont les valeurs sont opposées aux siennes. Garance le quittera ne supportant ni la maladie, ni les infidélités.
Son soutien, son allié qui l’accompagne dans sa vie est son père. Pilier serein indispensable. Son père, garde-forestier, lui raconte la nature, lui rappelle sa campagne et la famille.
Toutefois, j’ai lu dans sa famille les racines de sa maladie. Des êtres violents, mauvais, qui retrouvaient une image sainte en mourant. Je sais, je vais chercher la petite bête mais les citations notées parlent toutes de la famille, pas de la maladie.
Pierre est encore vivant et se bat de toutes ses forces.