Maritima
ISBN : 9791032904442
Éditeur : L'OBSERVATOIRE (06/03/2019)
4ème de couverture :
Les flammes des torchères de l'industrie pétrochimique brûlent dans les ciels immenses aux couleurs de peintres, les ocres de la Sainte-Victoire se distinguent au lointain.
De la fenêtre de son immeuble surplombant l'étang de Berre, Jessica passe ses journées à guetter les poissons, prête à alerter son grand-père Joseph et son vieil acolyte Emile qui tendent leurs filets de pêcheurs d'une rive à l'autre du chenal pour y prendre les bancs de muges.
La jeune femme pourrait pourtant faire autre chose de ses journées, s'intéresser à Ahmed, son compagnon ingénieur dans les usines voisines, ou à Antoine et Dylan, les singuliers petits-fils d'Emile; elle pourrait essayer d'aimer Sébastien, son fils de 5 ans, qui parle à peine et détourne rarement son attention de l'écran de son téléphone.
Les habitants de ce territoire mêlé d'odeurs d'industrie, de mer et d'étang semblent ne vouloir être nulle part ailleurs. Jessica rêve-t-elle d'un autre destin, par-delà l'horizon bouché par les usines, là où s'étend le large ?
Une année, tout bascule. Tragédie ou accident, rien ne sera plus comme avant.
Extraits :
“Qu'ils n'aient pas de parents l'impressionnait. Expulsés d'un fouillis autre qu'un ventre, nés d'une sortie de route, désincarcérés d'une voiture en feu, Jessica les considérait comme dépourvus d'hérédité et se persuadait que c'était là leur chance.”
“Au bout de leur canne à pêche, la main sur le moulinet, ils avaient tous la même gueule triste et ahurie, se demandant ce qui pouvait bien les pousser à ferrer le poisson là, au milieu des ordures et des rejets chimiques, sur un quai recouvert d'une couche blanche de calcium.”
“Le silence n'était pas une fatalité, mais une règle.”
“En face, le conduit sur le toit du cabanon crachait une fumée marron. Qui était en train de se réchauffer et au bois de quelle essence affreuse ? Était-ce seulement le vent qui retenait les gens au foyer?”
"On pouvait être à ce point malheureux ou heureux, qu'on serrait fort les autres, objets de nos passions, jusqu'à ne plus pouvoir s'extirper de la situation."
Mon avis :
Trois jours que je me demande ce que je peux vous dire sur cette histoire, que je cherche les mots pour vous exprimer mon ressenti : une tragédie dans laquelle on se sent bien.
Le décor pourrait être beau, il est sinistre malgré les touristes l’été. Le climat pourrait être agréable, il est extrême entre le soleil et le vent. Les personnages sont tous cabossés par la vie : Jessica à la limite de la normalité, Sébastien mal-aimé, Antoine et Dylan orphelins, élevés par leur grand-père Emile qui fait ce qu’il peut, Ahmed et sa leucémie, Joseph vieux pêcheur incontinent qui perd la parole, les vieilles tantes gitanes qui se prostituent, etc...Une comédie humaine remise au goût du jour.
L’Auteure plante le décor et ses personnages tranquillement, ses mots nous clouent au sol comme le cagnard ou nous emportent comme le mistral au fur et à mesure du temps et de l’histoire.
Ces gens ne veulent pas autre chose, n’ont pas de grand rêves, ne demandent rien, ont leur petite vie, leurs petits rituels et acceptent les coups du sort avec cette espèce de résilience naturelle qui fait de nous, lecteurs, des insatisfaits chroniques et malheureux. Leur secret ? Ils font avec.
C’est beau et tragique. Une belle leçon de vie sur la simplicité, un oeil vif et bienveillant sur notre société, sur la misère sociale à notre époque. Merci Sigolène.