La France de face
EAN : 9782213712567
384 pages
FAYARD (19/01/2022) AUTRES ÉDITIONS
4ème de couverture :
Depuis son livre-enquête Dans quelle France on vit, Anne Nivat a continué de parcourir la France, rencontrer et écouter des centaines de personnes issues de générations, de parcours et de milieux différents. Des gens simples et remarquables.
À Denain, Givors, Alès, dans la vallée du Diois, à Saint-Maixent-l’Ecole, Fégréac, Andernos-les-Bains ou Châlons-en-Champagne, elle a observé La France de face. Ni de haut, ni d’en bas.
Elle a vécu des scènes intimes, surprenantes, drôles, inquiétantes, obtenu des témoignages inattendus, émouvants, parfois dérangeants. Tous illustrent l’état de notre pays traversé par la défiance et les colères, mais aussi parcouru d’élans d’humanité.
Au gré des pages se dessine une France à mille lieues de celle que nous croyons connaître, où les préoccupations quotidiennes des Français sont très éloignées des sujets de la vie politique nationale.
Dans ce « road-movie » palpitant et empathique, Anne Nivat nous invite à plonger en nous-mêmes, sans hystérie, préjugé ou concession. Elle rappelle à quel point la démocratie se mérite. L’observer, y compris quand elle semble dysfonctionner, c’est aussi la choyer.
Extraits :
"Bref, être journaliste, c’est refuser la posture et ne jamais esquiver ses efforts."
"Vivre ensemble, c’est accepter la différence de l’autre, ce à quoi ici, personne ne parvient."
"Venues du fond de la mine, les gueules noires se sont muées en seigneurs. Mines et aciéries ont disparu, seuls restent les pauvres, solidaires. Car si l’individualisme sépare et anéantit les dernières illusions, la fraternité demeure."
"Et tant mieux si être journaliste de terrain aujourd’hui contribue à mettre au jour notre humanité, à donner à entendre avec respect les chemins de chacun, et surtout, à raconter sans décevoir."
"À tout vouloir étreindre avec la même intensité, nous nous sommes dangereusement éloignés de la nature, la nôtre, et celle de la terre."
"À croire que l’être humain s’invente toujours un ennemi, indépendamment de là où il réside."
"Changer notre manière de vivre, c’est d’abord accepter le concept de suffisance."
"Cette France conservée à bout de bras, qui coûte trop cher, mais que, tout de même, on souhaite préserver."
"Personne n’avait cru en elle dans sa famille, mais, encouragée par son institutrice, elle avait poussé jusqu’au bac. Souvent, cette détermination ne tient qu’à un regard, un mot, une attitude, qui font basculer d’un côté ou de l’autre."
"Englué dans ses (trop) multiples activités devenues machinales, l’être humain ne prête quasiment plus attention au paysage. Où s’engloutissent ces instants non vécus pleinement ? On ne prend le temps de regarder vraiment autour de soi qu’en voyage, loin de nos chez-soi. Tout comme on ne prend le temps de lire de vrais textes sur papier que dans cet ailleurs des vacances, comme si ces gestes banals étaient devenus un effort. En regardant davantage les lieux où l’on vit, peut-être les habiterait-on différemment. En pleine conscience, on en prendrait une mesure autre, et peut-être se retrouverait-on dans l 'état de colère de mes interlocuteurs pécheurs, convaincus par l’ardente nécessité du changement."
"Qu’ils soient récemment arrivés ou enracinés, les ruraux d’ici ont choisi la tranquillité. Ils observent le reste de la France depuis leur refuge, parfois horrifiés, persuadés que les fauteurs de troubles ne résident pas dans leur campagne. Dans cette France tranquille, éloignée du centre et qui se croit dénigrée, la population se sent protégée. Au risque de se refermer."
"Pour être respectée, sois toujours respectable." (Élise, auxiliaire de vie)
"Notre Président est censé représenter le peuple… mais nos politiques ne nous représentent pas du tout… les gens en ont marre d’aller voter pour tomber sur des pourris qui ne pensent qu’à eux." (Myriam)
"Je me sens plus utile à trier mes déchets qu’à choisir un président." (Amandine, technicienne de labo)
"Le citoyen désenchanté continue de ressentir au plus profond de lui injustice et ressentiment à l’égard des institutions et de ceux qui les incarnent."
Mon avis :
Il est très difficile de donner un avis sur une enquête de terrain. Le moindre mot peut être déformé ou compris de travers et le but pour l'auteure est d’apporter une représentation fidèle des habitants de la France. Sans jugements, ni critiques, Anne, journaliste de guerre, nous rapporte la parole des autres, de nos concitoyens, dans différents lieux : villes, villages, campagne, différentes régions, toutes particulières.
Un point commun à tous ces habitants : certains n’iront pas voter et ceux qui le feront parlent de trois noms, Mélenchon, Le Pen, Macron, les personnalités politiques ont un ego surdimensionné, n’ont aucune idée de la vie et des problèmes des gens, ne les représentent pas, ces femmes et hommes politiques n’ont plus la confiance des français, quelque soit leur parti.
Anne s’est immergée dans les lieux qu’elle a traversés, accompagnés de bénévoles, de militants, d’élus ou de travailleurs précaires et pourtant sociaux qui amènent un peu de plus dans la vie des gens.
Distribution alimentaire, conditions des femmes, trafic de drogue ou au contraire un village tel celui des irréductibles girondins où il n’y a que deux étrangères qui tiennent un commerce dans le centre (être femme aide, parfois), très peu de logements sociaux et où les retraités ayant un petit pécule veulent y habiter pour connaître (enfin ?) la tranquillité. Il est vrai que dans cette enquête, les habitants parlent de différences et de vivre ensemble, ce qui paraît compliqué pour les uns et les autres.
Le trafic de stupéfiants a également évolué et si un gamin prend le train de Montpellier à Alès pour prendre son emploi de guetteur, il percevra environ 200 euros par jour, là où en travaillant légalement il toucherait 50 euros à peine. Les trafiquants font du social maintenant car ils ont compris que la tranquillité et une certaine légitimité de leur commerce passent par là. Les sous-effectifs des agents du service public ne permettent pas de toute façon de supprimer ce trafic.
Nous rencontrons également des familles surendettées qui peinent à nourrir leur famille tout le mois et pourtant, la surconsommation est bien présente avec les smartphones, grands écrans, vêtements de marque et jeux en ligne.
Le monde de l’agriculture blasé et défaitiste, entre débrouillardise, échec, guerre entre eux qui votent plutôt à droite.
Les aînés, vaillants ou dépendants qui se débrouillent quoiqu'ils arrivent, ils en ont connus d’autres et font de leur mieux pour survivre.
Et je finirai par les jeunes, toute cette génération déjà désabusée, surdiplômée, qui ne trouve pas de travail ou alors avec un salaire ne correspondant pas à leur profil, en donnant la parole à l’auteure :“Aujourd’hui, le futur de notre pays appartient à cette génération désillusionnée, mais si impatiente d’agir.”
Le meilleur moyen de se faire une idée est de lire cette enquête passionnante, la réalité et la compréhension de chacun sont différentes selon le mode de vie.
Je remercie Masse critique de Babelio et les Éditions Fayard pour cette découverte passionnante.