Les orages
EAN : 9782072964220
192 pages
GALLIMARD (25/08/2022)
4ème de couverture :
« Lorsque j'ai rencontré Ehlmann, il était debout sur le bord de la route, sa voiture garée en catastrophe sur la bande d'arrêt d'urgence, feux de détresse allumés. J'ai vu qu'il souriait, que tout son visage était tordu de larmes et de rires à la fois, j'ai pensé qu'il était fou. »
Avec Les orages, Sylvain Prudhomme explore ces moments où un être vacille, où tout à coup il est à nu. Heures de vérité. Bouleversements parfois infimes, presque invisibles du dehors. Tourmentes après lesquelles reviennent le calme, le soleil, la lumière.
Extraits :
“ La force monstrueuse de l'habitude qui avait fini par accoutumer ses nerfs et ses pensées même aux signaux d'alarme les plus désespérants. “ (Souvenir de la lumière)
“ À Ziguinchor on ne dit pas coupure de courant. On dit pudiquement : délestage. Comme s'il ne s'agissait pas du tout d'un problème, plutôt d'un choix de raison, d'une pure décision de prudence, par souci de ménager le réseau, d'épargner aux câbles électriques l'excès de sollicitation d'une tension trop continue. Le délestage comme forme de sagesse. Refus de céder au sempiternel diktat du bon fonctionnement de tout. “ (Awa beauté)
“ Tout aurait peut-être continué longtemps si un soir des habitants n'avaient repéré cette anomalie : le stade allumé, les demi-finales des championnats de football interquartiers, les navétanes battant leur plein jusqu'à minuit, tous projecteurs plein pot, pendant qu'à trois cent mètres de là les fenêtres de l'hôpital régional se trouvaient dans le noir, couveuses débranchées, blocs opératoires et réserves de médicaments abandonnés aux trente-cinq degrés ambiants. “ (Awa beauté)
“ Il y a six photos. Six instantanés pris en quelques secondes six images sur lesquelles leurs expressions se modifient d’une pose à l’autre, la détente d’un éclat de rire succédant à un instant de gravité feinte, le flou d’un mouvement immaîtrisé à plusieurs secondes de concentration soutenue. Sur toutes on sent la même émotion : le bonheur d’être ensemble, et le désir de graver ce bonheur. La conscience qu’il ne durera pas toujours. Le besoin de le fixer. D’en attester la réalité. D’en manifester la saveur, le prix. De pouvoir un jour peut-être, plus tard, se le remémorer. Comprend-on, à les regarder, ce qui arrive ? Ces choses-là se devienent-elles aux seules expressions des visages ? “ (La vague)
Mon avis :
Treize nouvelles de moments de vie où tout peut basculer, par choix, à cause du destin, par espoir ou désespoir. Une chose est certaine, les personnages connaissent tous un grand sentiment de solitude quelque soit l’entourage. Leur vie va basculer, on retient notre souffle, on a peur pour eux, comme si on anticipait la catastrophe et je crois que c’est la force de ces orages, le talent de cet écrivain, la chute n’est peut-être pas celle qu’on attendait.
Un coup de coeur pour souvenir de la lumière avec ce père dans un certain déni face à la maladie de son enfant et de sa certitude de la guérison face aux médecins et sa femme complètement désarmés et Awa beauté pour l’abnégation de cette femme.
Le taille-haie avec ce petit-fils qui suit son grand-père sur un terrain escarpé pour récupérer l’engin en vain, m’a beaucoup fait sourire.
Ces scènes de la vie quotidienne qui deviennent des orages sont inquiétantes, voire menaçantes mais surtout pour nous lecteurs. Les personnages se contentent de vivre et de faire face.