La foudre

Pierric Bailly

EAN : 9782818058510

464 pages

P.O.L. (17/08/2023)

4ème de couverture : 

Il est quand même tard pour appeler, je me rabats sur un SMS. Je dis à Nadia que je viens d'apprendre pour Alexandre et que je suis stupéfait, c'est le mot que j'emploie, il ne convient peut-être pas très bien mais j'ai du mal à trouver une formule adaptée. S'il était mort ou s'il avait subi un accident, ça viendrait facilement. On sait comment s'adresser à l'entourage des victimes, on sait quoi dire à ceux qui vont mal, à ceux qui souffrent. Mais qu'est-ce qu'on écrit à la femme d'un assassin ?

Extraits : 

“ Il mettait de la dignité là où elle n'existait pas. “

“ Je ne lui ai pas piqué que son rire.

Mais le reste nécessitait davantage qu'un simple bagage technique.

Pour le reste, je n'étais pas encore prêt. J'avais besoin de vivre un peu plus. “

“ Je cherche surtout à protéger ma petite personne des effets néfastes de cette histoire, car sa noirceur pourrait me contaminer et me fragiliser. “

“ Tu te rends compte, à cause de l'honnêteté maladive de leur père, je suis en train de faire de mes enfants des menteurs patentés. “

“ Car j'ai toujours un temps de retard sur l'actualité, un temps relativement important, six, huit, dix mois. Jusqu'ici ce décalage ne me gênait pas, je pourrais même dire qu'il m'allait bien, comme si, du fait de mon isolement, les informations mettaient plus de temps à me parvenir. “

“ C'est ça la bascule de la quarantaine. La période de l'enfance et de l'adolescence qui s'amenuise. Non seulement on s'en éloigne, mais au regard de tout ce qu'on a vécu ensuite, l'enfance et l'adolescence paraissent de plus en plus concises. Ça reste des moments fondateurs mais des moments qui n'ont pas duré aussi longtemps qu'on le pensait. “

“ Tout va trop vite autour de moi. Je n'y arrive plus. Je n'ai plus l'habitude. Je ne sais plus communiquer. Je ne sais plus vivre avec les autres. “

“ Quand on y pense, l’influence de ce type sur ma vie est démente. Ce type avec lequel je n’ai rien partagé d’important et que j’ai finalement peu fréquenté est à l’origine de tous les tournants décisifs de mon existence. “

Mon avis : 

Julien surnommé John, prénom de son grand- père, est berger.  Il se sent à sa place dans sa vie, ses montagnes, malgré le changement qui l’attend.

Sa compagne, enseignante, reste dans la vallée, vient lui rendre visite de temps en temps. C’est la dernière année en métropole pour eux deux. Elle est mutée sur l’île de la Réunion et Julien a décidé de la suivre avec ses deux chiens et de devenir berger  là-bas.

Déjà je me pose des questions : quand tu vis heureux dans cette immensité, dans ton métier, avec la femme que tu aimes, en marge de la société, quelle idée de s’exiler sur une île ? 

Héloïse part bientôt, Julien attend de rentrer les brebis  pour la rejoindre.  Quand le temps est mauvais, Julien se réfugie dans sa cabane, sans réel confort, et a pris l’habitude de lire la pile de vieux journaux entreposés pour allumer le feu. Il a toujours du retard sur l’actualité, ce qui lui va bien. Un brin asocial en estive, il aime sa solitude et grogne après les touristes qui viennent le voir comme l’attraction de la région.

Ce jour-là, il apprend par un journal daté de plusieurs mois qu’un compagnon de chambrée à l’internat du collège, est emprisonné pour avoir tué un jeune chasseur. Ce n’était pas vraiment un ami mais un jeune à qui Julien enviait son assurance, ses certitudes, son attitude, au point de le copier. Julien va réaliser une longue introspection sur son adolescence et la rencontre avec Alexandre. Puis il prendra la décision de contacter Nadia, la compagne d’Alexandre.

Il n’est pas de bon augure de se retourner sur son adolescence quand on se pose encore des questions existentielles à la quarantaine. La descente aux enfers va être longue, l’auteur prend son temps, le perd, parfois, dans des détails mais pour être au plus près des sentiments de Julien.

Julien devait peut-être vivre cette histoire, il est sincère et se laisse porter. Nadia est déprimée, angoissée, en survie et je trouve qu’elle manipule un peu Julien comme une bouée de secours, mais c’est humain. Il y a des victimes collatérales comme dans toutes les histoires.

Un décor grandiose pour une histoire d’homme, belle ou pathétique, selon les points de vue, mais qui ne laisse pas indifférent.