Julia et moi

Anita Brookner

Annie Lennkh (Traducteur)

ISBN : 2707121010

Éditeur : LA DÉCOUVERTE (04/02/1992)

4ème de couverture :

Entre Fay et Julia se noue une amitié " à la Brookner ". Elles sont liées par une subtile dépendance et une certaine ironie, car elles savent qu'elles appartiennent à un autre temps, victimes des déceptions et des trahisons qu'apporte l'âge. C'est Fay qui survit à Julia et aux deux maris - le sien et celui de Julia qu'elle a eu un temps pour amant - et qui raconte. Un roman désenchanté où l'on retrouve l'humour discret, l'élégance et la délicatesse d'Anita Brookner.

Extraits :

“Au fond, je la trouvais inquiétante et elle me trouvait ennuyeuse.”

“Quand je pensais que ce genre de vie allait continuer indéfiniment, j'étais obligée de reprendre ma respiration.”

“Il m'arrivait de me demander dans quelle mesure les actes méritoires peuvent compenser l'absence de véritable vertu.”

“Il y a un âge où il est fatal de ne pas se dire la vérité et j'avais atteint cet âge.”

“À la fin, j'essayais de l'éviter, sans y parvenir, comme la plupart des choses que j'ai tenté de faire.”

“Il n'y a pas de maison parfaite, sauf celle où l'on a été heureux et, je ne sais pas pourquoi, c'est justement celle-là que l'on quitte pour toujours.”

“Je suis allée vers mon miroir d’un pas hésitant, comme si je n’allais pas reconnaître la personne que je verrai en face de moi, comme si son visage allait être ou très vieux, ou très jeune, le visage de quelqu’un sans défense qui a besoin d’être protégé.”

Mon avis :

Fay vit sans se poser trop de questions jusqu’à la cinquantaine. C’est une femme accommodante, facile à vivre. Son mari meurt et elle se retrouve seule dans une maison qu’elle n’aime pas. Cette femme va faire le plus dangereux dans une vie, se retourner sur son passé, examiner le présent et regarder son avenir. Une dangereuse introspection qui va plonger Fay dans un marasme stagnant. Une enfance heureuse et une vie de femme mariée décevante. Une carrière d’artiste très brève avant son mariage. Pas d’enfant. Pas vraiment d’amis. À part Julia, cette amie imposée par son mari, égoïste, égocentrique, persuadée de sa beauté, de son talent qui se sert de Fay comme d’un faire-valoir. Fay et Julia se retrouvent veuves, isolées. Julia est plus âgée, déjà un pied dans la vieillesse. Fay est dans une période charnière pour une femme : la cinquantaine,  plus très jeune mais pas assez vieille. Après s’être débarrassée de la maison, aménageant un appartement pratique, Fay a l’impression qu’elle est prête pour une nouvelle vie à deux. Malheureusement elle jette son dévolu sur un médecin qui aime la fréquenter, certes, mais pas plus. Elle se trouve un travail de bénévole et retrouve quelques amies de longue date. Pendant ce temps, Julia perd son autonomie et les deux femmes s’occupant d’elle depuis des années décident de partir l’une après l’autre. Fay ne veut pas s’occuper de Julia. Sans elle, elle pouvait peut être espérer mener sa propre vie. Avec Julia, il n’y avait aucun espoir. Fay va faire en sorte que Julia parte auprès de son frère. Elle voit encore le Docteur Carter lors de dîners, ou le croise dans la rue, ils sont contents de se voir mais surtout de pouvoir s’en tenir aux simples signes de courtoisie. Fay reprend goût à la vie, ne regarde plus en arrière, s’occupe et savoure des joies simples, libérée de la présence et de l’amitié de Julia qui lui pesait.

Le style est raffiné, léger et en même temps plombant. Il est vrai que la vie intérieure d’une femme de cinquante ans est compliquée, orageuse, sombre et lumineuse, faite de contradictions.

Récit à savourer hors du temps, hors du chaos.

Comments

[Cristine Verlédè]

J'ai envie d'en savoir plus sur Fay et la "bonne amie" Julia :) seul bémol, la couverture :( . Mais je vais voir si je peux me le procurer en numérique. Merci infiniment pour ta chronique.