Il faut laisser les cactus dans le placard
Françoise Kerymer
ISBN : 2709635992
Éditeur : J.-C. Lattès (2010)
4ème de couverture :
Trois soeurs.
Marie, l'aînée, s'abrite dans son bonheur quotidien entre son mari pianiste, sa librairie de livres anciens et ses deux filles.
Anne, la cadette, vit en plein vent, au pied de son phare, à Port-Manech. Sculpteur qui n'a pas la chance d'être reconnue, elle dévore la vie, les hommes, et tente de joindre les deux bouts.
Lise, la benjamine, la plus solitaire, la plus fragile aussi, cherche désespérément une rampe à laquelle s'accrocher pour sortir de sa mélancolie et croire encore aux promesses de la vie.
Toutes les trois s'étaient éloignées de leur père, homme taciturne et froid. Mais à sa mort, elles doivent se pencher malgré elles sur leur héritage familial, comprendre cet homme silencieux, son histoire. Elles cherchent alors à repenser leur existence, leur relation, libres enfin de choisir ce qu'elles veulent vraiment.
De Paris aux côtes bretonnes en passant par la Méditerranée, une saga familiale vive aux multiples rebondissements.
Extraits :
Quelle importance ? Qu'est-ce que ça t'apporte de savoir qui étaient tes grands-parents et leurs ancêtres ? Du moment que tu es heureuse, là, maintenant, qu'est-ce que ça peut bien te faire ? Laisse donc le passé où il est, va. Tu ne changeras pas pour autant, tu sais... Et la vie sera la même.
Quand j'ai vu mon petit sac, avec toute ma vie compressée dedans je me suis sentie mieux. Plus légère. J'avais largué tout ce qui me collait à l'âme. J'étais prête. Prête, sur le quai de ma vie d'avant, mon baluchon au pied, à embarquer sans me retourner. Prête, mais je n'arrivais pas à m'en aller.
Quand je me vois dans la glace, j'ai toujours le même choc, l'impression d'un énorme malentendu : cette femme-là, devant moi, est tellement plus vieille que dans ma tête. Vu de l'intérieur, j'ai dix ans de moins. Pas pour me rajeunir ou être plus belle. Tout simplement parce que je me sens comme ça.
La spécialité de maman, c'est toujours de parler de choses qu'on n'a pas envie d'entendre, ou de mettre le doigt sur ce qu'on a envie de cacher.
Moi, je vis dans le dépareillé, le rafistolé, le bancale. Il me faut mon chaos quotidien, mon milieu instable pour que ma créativité s'éveille.
Elle a, en elle, cette légèreté, cette inépuisable joie de vivre, bulle de champagne qui remonte du plus profond d’elle-même et éclate à la surface.
J’envie leur détermination, leur aptitude à n’agir qu’en fonction de leurs intuitions, seulement ce besoin vital de s’exprimer, quoi qu’il advienne. Des êtres qui ont, en eux, beaucoup plus que tous les autres.
Je n’ai même pas essayé de rendre tout ça moins laid depuis toutes ces années. C’est comme pour ma vie, j’ai laissé faire.
Cette nuit où je me suis collée à sa vie comme une mouche sur la glu.
Là, j’ai eu le souffle coupé. L’infini devant, l(infini au-dessus, l’insondable en dessous. L’immensité. Partout. Enfin. Je me suis sentie enfin là où je devais être. Où j’avais toujours rêvé d’être, sans le savoir. C’était donc çà, la sensation de plénitude.
ça fait des jours et des jours que je suis là, je n’ai plus du tout la notion du temps. Les jours qui passent se ressemblent tous, ils sont comme des petites billes d’un collier qu’on enfilerait les unes après les autres.
Ce que je veux ? Une vie qui me donne envie de la regarder, d’être dedans parce qu’elle est belle. Et pas de la fuir tout le temps.
Si je pouvais autant faire confiance à la vie. Mais depuis toute petite, j’ai le sentiment qu’on va m’oublier quelque part. Que je n’ai aucune valeur et que tout le monde devrait fatalement s’en rendre compte.
Mon avis :
L’annonce de la mort du père va changer pas mal de choses pour ces trois soeurs : Marie, Anne et Lise. Chacune à sa façon elles vont se raconter, nous raconter presque sur le ton de la confidence. Elles racontent leur vie actuelle mais aussi tous les souvenirs qui reviennent avec cette mort. Peut on dire que leur père ne les aimait pas ? Je pense mais c’est surtout un ressenti, peut être pas une vérité. Comme le reste d’ailleurs, car la vérité n’est jamais qu’un ressenti d’une personne qui va influencer une autre personne et ainsi de suite. Ce qui représente le combat d’une survie mentale va devenir un secret de famille. Le leur prend vie lors de la succession chez le notaire en la présence de Gabriel, plus jeune qu’elles, qui hérite aussi de leur père. Si Anne l’artiste bohème qui ne se mêle pas de la vie des autres et Lise, dépressive, alcoolique qui se cherche encore, ne vont pas prêter plus d’attention à cet homme, Marie l’aînée, un peu rigide, calfeutrée dans le bien être de sa vie bourgeoise va se transformer en enquêtrice au nom de la vérité. Elle ne se doute pas de quel cataclysme va bouleverser la vie de ses soeurs et la sienne. Même Lise, avec son mal être venant de son enfance va trouver la sérénité ou plutôt une certaine plénitude, ce sont ses mots, sans cette vérité. Simplement avec une rencontre et quelle rencontre ! Alors, non il ne faut pas sortir les cactus du placard et retirer les épines une par une. Ce qui a l’apparence du lisse en dessous n’est qu’une bombe à retardement et il faut être très solide pour reprendre le chemin de sa vie après.