Trencadis
EAN : 9782374911588
364 pages
QUIDAM (20/08/2020)
4ème de couverture :
Niki hait l’arête, la ligne droite, la symétrie. A l’inverse, l’ondulation, la courbe, le rond ont le pouvoir de déliter la moindre de ses tensions. Délayer les amertumes, délier les pliures : un langage architectural qui parlerait la langue des berceuses. Aussi vit-elle sa visite au parc Güell comme une véritable épiphanie. Tout ici la transporte, des vagues pierrées à leur miroitement singulier. Trencadis est le mot qu’elle retient : une mosaïque d’éclats de céramique et de verre. De la vieille vaisselle cassée recyclée pour faire simple.
Si je comprends bien, se dit-elle, le trencadis est un cheminement bref de la dislocation vers la reconstruction. Concasser l’unique pour épanouir le composite. Broyer le figé pour enfanter le mouvement. Briser le quotidien pour inventer le féérique. Elle rit : ce devrait être presque un art de vie, non ?
Extraits :
“ La maîtresse et les autres ne savent pas. Ne peuvent pas savoir. Que les couleurs sont en réalité des tristesses noires qui se griment en Arlequin pour s'assurer qu'on ne les reconnaisse pas : un désespoir qui voudrait passer incognito. “
“J'étais une enfant puissante, je suis devenue une adulte atone. Degré zéro de combativité, nada volonté, dévoration instantanée. “
“ De toute façon, cette odeur du matin joyeux ne doit exister que dans son imagination. “
“ Pour peu qu'on sonde un peu les noms - parce que l'onomastique est un endroit où tout est permis - on pourrait en faire goutter une eau noirâtre, dégueulasse, sorte de prédestination sordide. “
“ Le temps est un adversaire redoutable qui ne se combat pas avec les petits poings de la volonté, toute hargneuse soit-elle. Il manque. On lui court après. On pleure, on s'essouffle. Pause ! “
“ Mais rien n’a jamais moins fait avancer le temps que de lui coller au train ; les minutes s’étirent, épouvantablement longues, à la manière des nuits d’insomnies. “
Mon avis :
Une biographie romancée de Niki Saint Phalle. Je ne connaissais pas grand chose de la vie et de l'œuvre de l’ artiste. Je ne m’attendais pas du tout à une telle histoire. L’auteure s’est glissée dans la peau de son personnage et nous raconte sa vie, ses amours, ses failles, son art, sa maladie. Comme un trencadis, des éclats de vie selon Niki ou des témoins plus ou moins proches. On commence par ce que Niki révélera très tard dans sa vie, le viol commis par son père. Scène détaillée, état de sidération. Sa vie de femme adulte, mère sans mode d’emploi, artiste pour ne pas sombrer dans la folie pure, est un combat, une guerre. C’est lors d’un séjour à l’hôpital psychiatrique, quand la dysphorie prend le dessus, que Niki apprend à mettre ses sentiments sur des toiles. Les couleurs sont en réalité des tristesses noires, le désespoir passe inaperçu ainsi. Les hommes de sa vie, malgré leur amour, sont infidèles, les amis le sont-ils ? La vision d’une vie en morceaux de violence latente. Le combat d’une femme pour survivre, d’une artiste militante.
On est sur le fil de l’équilibre, à tout moment on peut basculer de la normalité à la folie. Une construction littéraire étonnante pour une vie bouleversante.
Selon l'auteur, l'onomastique est un endroit où tout est permis le nom Phalle viendrait de Phallus, Niki, de niquer…ou de Niké, la déesse de la victoire et Saint Phalle, longue lignée de chevaliers.